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Au XVIIe siècle, René Descartes pensait avoir trouvé dans la glande pinéale le "siège de l'âme" - selon lui le seul organe du cerveau à ne pas être « conjugué », c'est-à-dire ne se présentant pas comme une paire de lobes symétriques - .

Aujourd’hui, on sait que la glande pinéale, plus connue sous le nom d’Hypophyse,
est une glande endocrine parmi d’autres, qui a cependant la particularité d’échanger des influx avec le système nerveux central par l’intermédiaire de l’hypothalamus.

Son aspect non conjugué n’est qu’une illusion. La glande pinéale est bien constituée de deux lobes, si imbriqués qu’on ne peut les distinguer.

[Neurones]

Trois siècles plus tard, nous n’avons trouvé aucun « centre » déterminant dans l'entrelacs de nous-mêmes.

Nous avons intégré vaille que vaille que nous sommes des animaux sociaux qui n'existons qu'en regard de nos semblables et de notre environnement.

Nous recherchons aujourd’hui le reflet qui pourrait nous caractériser dans le miroir de nos constructions sociales.

Et nous nous retrouvons face un autre entrelacs, celui de l’Internet.

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Mais l'Internet n’est pas un organe naturel. Nous le construisons selon nos propres représentations de ce « qu’est », ou « devrait être » un réseau.

Pour le moment, c’est est une construction hiérarchique, au fond très cartésienne, faite de normes, de codes, de machines, de câbles, d’ondes et de flux.

Contrairement à ce que l’expression « la Toile » laisse accroire, l’Internet est « centralisé » de plusieurs manières.

Quelque part dans ses replis est caché un unique serveur, objet de tous les soins, de tous les désirs et de tous les secrets, c’est le serveur racine d’adressage du réseau sur lequel tous les autres DNS se synchronisent régulièrement. Ce serveur conditionne directement le fonctionnement du système nerveux général.

A ce serveur est adjoint une sorte de fichier de configuration (le fichier du IANA) qui contient les codes propres aux langues, aux pays et aux domaines de l’Internet. Un nouvel Etat, par exemple l’Ossétie du Sud, n’existera réellement dans le réseau qu’à partir du moment où il est nommé dans ce fichier. De même, une langue n’existe que si elle y figure de manière explicite.

Ces deux systèmes connectés qui n’en forment qu’un.
C’est à mes yeux la nouvelle glande pinéale de l’Internet !

De fait cette hypophyse artificielle détermine l’existence de tous les organes du réseau. Elle en régule le fonctionnement soit par des influx directs, soit par le fait qu’elle distille les normes selon lesquelles les autres organes doivent agir et se développer.

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Voici la carte Europa Polyglotta a été publiée en 1730 par Gottfried Hensel
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Voici la carte des entités linguistiques et politiques vue depuis cette glande pinéale!

Passons rapidement au scanner son anatomie :

[IANA/ICANN]


Nous avons affaire avec un organe central, mais tout tend à montrer qu’il est aussi « conjugé », c’est-à-dire constitué de deux lobes imbriqués.
Il y a le « lobe technique » assurant effectivement l’intégrité du réseau.
Le deuxième lobe est plutôt «commercial, politique et financier».

Ce deuxième lobe a longtemps été le jouet du Département du Commerce et la Défense des Etats-Unis (qui a d’ailleurs branché ses Grandes Oreilles sur le premier).

Les deux lobes sont maintenant directement ou indirectement contrôlé par Google et Verisign.

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Voilà comment en quelques années seulement s’est constitué un monopole mondial d’une puissance normative sans équivalent dans l’histoire.

Il semble comme le dit Bernard Stiegler que le réseau soit bien le siège d’un processus de « naturation » de la technique qui préside à une nouvelle forme d’« organogénèse ».

A mon sens, nous sommes au « stade de Descartes » de cette organogénèse au sens où nous venons de répéter son erreur. Descartes a commis une erreur interprétative sans trop de conséquence. Nous avons fait nous une erreur « en acte » qui aura sans doute des suites sans commune mesure.

Ces erreurs ont à mon avis la même source, c’est notre « réductionnisme » chronique. Une véritable mal-édiction (mal dire) qui se traduit partout dans le langage courant.

Par exemple quand on emploie le terme de « réseaux sociaux » à propos de Facebook, etc. En soi, Facebook est simplement un "site web" et non pas un réseau. Son activité consiste à réaliser certaines formes de cartes (les graphes sociaux) à partir des véritables "réseaux sociaux" que sont les mailles du tissu social réel.

Il va de soi que les "réseaux sociaux" réels sont modifiés par le simple fait d'être cartographiés par ces fameux « sites sociaux ». Mais parler à leur sujet de « réseaux sociaux » c’est à mon avis confondre carte et territoire.

C’est un réductionnisme que se complaisent à propager les promoteurs de ces sites sociaux puisqu’ils en tirent avantage. L’augmentation des capacités sociales des utilisateurs semble avoir pour prix ce décervelage. Mais j’ai espoir. Les gens ne sont pas dupes ; Ils apprennent.

L’enjeu de l’Ingénierie Sociale telle que conçu à l’IRI il me semble est imaginer d’autres espaces d’individuation personnelle et collective qui échapperaient à ces schémas réducteurs. A mon sens cela passe d’abord par un travail de recherche permettant d’éclairer les mécanismes qui président à l’organogénèse.

Je propose de passer en revue deux mécanismes. Il s’agit de deux perspectives, tous les deux dérivées de la perspective spatiale de la Renaissance. Deux perspectives qui structurent les réseaux.
Nous sommes en train des les apprendre de manière inconsciente, tout comme les Renaissants ont appris la perspective spatiale.

La première perspective dite « temporelle » est très simple à comprendre.

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Regardons quelques mailles du réseau tel qu’il est pour le moment:

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Ok, c’est formidable, chaque nœud caractérisé par une adresse IP est en mesure d’échanger n’importe quel autre.

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Regardons maintenant le réseau fonctionner de manière synchrone.

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Tel que l’Internet fonctionne aujourd’hui, on ne sait pas organiser une « interaction temps réelle » (telle une visioconférence où tout le monde parlerait en même temps) entre plusieurs utilisateurs sans se passer d’une machine tierce assurant la commutation entre tous. Plus généralement, et même lorsque les interactions sont asynchrones, pratiquement l’agrégation de plusieurs nœuds est toujours réalisée dans un nœud particulier.

Le nœud d’agrégation est selon moi le « point de fuite » d’une forme de perspective que j’appelle « temporelle ».

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Pourquoi temporelle ? Et bien parce de ce point émerge instant après instant une valeur résultant de l’interaction qui rétroagit sur ceux qui y participent (cela peut être un indice boursier, un son, une image animée, une liste de messages d’ « amis » etc.).
Le point de fuite temporel génère un temps propre au groupe qui l’utilise pour s’actualiser.
Bien que sa position soit connue dans l’espace, il est le lieu de « l’inconnaissance » dans la mesure où la valeur émergente est strictement imprévisible. C’est ce que Lyotard appellait le lieu du « ça arrive ».

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L’ensemble forme ce que le biologiste Francisco Varela appelle un système autopoïétique, c’est-à-dire un système qui tend à reconstituer les conditions de sa propre existence. Dans le cas d’une cellule vivante c’est par exemple l’intégrité de sa membrane.

etc.


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