|
"L'acte de penser et l'objet de la pensée se confondent" Parménide Full Screen | Play Le contenu de ce wiki est Copyleft
|
Pour la séparation de la Culture et de l'Etat
Par OlivierAuber (2005, repris de Wiki Art Libre) Imaginons qu'en 1905, les députés n'aient pas voté la "séparation de l'Église et de l'Etat", mais décidé tout au contraire d'impliquer plus encore la République dans les affaires des cultes en légiférant sur tous les aspects de la vie religieuse... Ils auraient non seulement fixé les conditions d'ordination des prêtres, leurs mérites, leurs salaires, la délimitation de leurs paroisses et le lien de subordination direct de chacun avec Rome, mais aussi rendu les oboles obligatoires, fixé un prix forfaitaire pour chaque sacrement, encadré l'import-export des reliques, établi la liste des fabricants et distributeurs autorisés pour les médaillons des Saint Antoine, Saint Jean-Baptiste et les autres, et pénalisé leur contrefaçon... Et bien cette folie à laquelle nous avons échappé en 1905 grâce à la sagesse de nos députés laïques - Dieu merci -, le "projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information" qui est proposé "en urgence" au vote à l'Assemblée Nationale la veille de Noël 2005 (sic), est en passe de l'accomplir pour la Nouvelle Religion: L'INDUSTRIE CULTURELLE. Aujourd'hui, il n'est plus question du pouvoir de Rome, mais de celui de quelques multinationales trouvant leurs sièges à Hollywood, Seattle, Tokyo, Londres ou Paris, qui font un commerce de masse de "produits culturels": films, musiques, livres, logiciels et services divers. Le projet de loi en question entend protéger contre le soi-disant pillage, par un attirail répressif doublé de systèmes technologiques de contrôle automatique auquel nul ne pourra échapper, les droits des "auteurs" de ces produits, ainsi que les "droits voisins", c'est à dire ceux des marchands du Temple de la Religion en question. A l'heure où Google propose à ses clients d'acheter l'exclusivité de n'importe quels mots de n'importe quelle langue, et d'en faire commerce, que propose cette loi si ce n'est de protéger du pillage les artisans d'un autre pillage? Les contenus de ces soi-disant "produits culturels" ne sont-ils pas que de simples interprétations de pans entiers du patrimoine mondial, allant des mythes les plus anciens, jusqu'aux histoires vécues par tout-un-chacun, en passant par les créations les plus pointues des avant-gardes artistiques, scientifiques ou techniques, dont les travaux sont siphonnés sans citation aucune, par une cohorte d'auteurs, starifiés ou bien taillables et corvéables à merci - c'est selon - pour en extraire des sortes de nouveautés amnésiques? Comment un Culture pourraient-elle vivre durablement sans que chacun puisse exercer ses facultés, de prendre, de regarder, de modifier et de transmettre à nouveau? Dès lors, le pillage de ces produits n'est-il pas légitime? D'ailleurs, ne faut-il pas l'appeler "interprétation", "détournement" ou "ré appropriation"? Et ce deuxième pillage n'est-il pas carrément l'antidote au premier contre l'annihilation de son propre système? La Nouvelle Religion ne l'entend pas ainsi. Non seulement, la copie, la redistribution, la fabrication de logiciels incitant à la copie sont sévèrement réprimés, mais aussi les logiciels qui permettraient de lire et d'échanger des "oeuvres éventuellement soumises au droit d'auteur" en s'affranchissant des fameuses technologies de contrôle automatique, sont illicites. Fini les logiciels Libres! Autant dire que dans cette Religion là, pas question d'avoir droit à son sacrement sans l'aval direct de Rome. Et si vous avez le malheur de ne pas être passé par le tiroir caisse, votre hostie numérique sera détruite automatiquement sous vos yeux, et vous serez tout aussi automatiquement dénoncés aux instances centrales de répression. On comprend que la société est à la recherche de croissance économique, et que la Nouvelle Religion lui serine qu'elle seule peut lui apporter la rédemption. Mais comment la République peut-elle se laisser berner à ce point? Comment peut-elle laisser des mains privées développer de tels systèmes de contrôle et se proposer pour assurer de manière zélée (et gratuitement) les basses oeuvres de répression publique? Quel aveuglement frappe le législateur pour qu'il ne voie pas qu'une telle Religion mène tout droit à la prévarication absolue, à l'oppression accrue des plus faibles et finalement au délitement social et économique le plus profond? Comment la République peut-elle méconnaître qu'il existe beaucoup d'autres pratiques de création, de diffusion de d'échange, fondées sur la confiance et le partage, et qu'elle s'apprête à les sacrifier sur l'autel d'une Nouvelle Religion, l'Industrie Culturelle, qui serait désormais la Religion Unique? Non, chers députés, ressaisissez-vous! Votez aujourd'hui pour "la séparation de l'Industrie Culturelle et de l'Etat". Faites en sorte que la chose publique garantisse à tous la libre pratique Culturelle de son choix! Que les Industries Culturelles fassent le projet d'introduire des dispositifs de contrôle automatique, soit ; et bien qu'elles subissent seules les conséquences de leur abus de pouvoir. De grâce, Mesdames et Messieurs les députés, ne criminalisez pas ceux qui voudraient vivre, créer et échanger dans l'esprit de liberté qui est à la source même de la République! Rédigé le décembre 25, 2005 dans culture | Lien permanent TrackBack?? URL TrackBack?? de cette note: http://www.typepad.com/t/trackback/3916592 Voici les sites qui parlent de Pour la séparation de la Culture et de l'Etat: Commentaires Cette drôle d'histoire de Noël écrite par notre ami Olivier Auber, me semle pleine de sens, d'humour, de culture et d'intelligence. Bref, c'est la meilleure contribution actuelle au débat sur le projet de loi droits d'auteur discuté et rediscuté à l'assemblée nationale. Vous pouvez la commenter sur le blog ou contribuer à son évolution sur le wiki art libre. Une manière ausi de sortir d'un débat bloqué et frontal nourri de l'incompréhension de deux mondes: les internautes et les politiques. Rédigé par: Pierre de La Coste | le décembre 26, 2005 à 12:33 AM Bien que je ne sois pas juriste, voici quelques réflexions que m'inspirent les débats en cours: 1 - le droit de propriété des majors de la culture et du logiciel ne doit pas être juridiquement supérieur au mien, au votre et à celui de tout individu. Si ces gens veulent trouver des moyens de se prémunir contre la copie non rémunérée de leurs oeuvres, libre à eux, mais à condition que les moyens trouvés pour cela ne violent pas ma vie privée: fichiers truffés de logiciels espions, appareils numériques envoyant des informations sur l'usage que j'en fais à des tiers, etc... Le comportement de certaines majors du disque à ce point de vue (plus de détails sur le blog de Tristan Nitot) devrait être sévèrement puni. 2 - Le législateur ne doit bien sûr pas interdire l'usage de certaines technologies au motif que certains en font un usage illégal. Ou alors il faut interdire le téléphone et l'automobile aussi. Seules doivent être réprimées les usages frauduleux. 3 - Un éditeur de logiciel libre ne doit pas être obligé d'inclure un dispositif propriétaire dans ses oeuvres. En revanche, si un éditeur de culture numérique ou de logiciel propriétaire veut créer des fichiers qui ne sont pas lisibles par des programmes ne contenant pas les routines de protection, libre à eux (même si on peut discuter sans fin de l'inintelligence d'une telle option). 4 - Si les moyens trouvés par un éditeur de limiter la copie privée ne violent pas la condition édictée au §1, il est libre de les utiliser, pourvu qu'il informe clairement le consommateur, qui est libre d'acheter ou pas. 5 - acheter un CD revient tacitement à accepter le contrat de licence proposé par l'éditeur. Si celui ci ecrit clairement "mettre à la disposition gratuitelent cette oeuvre à des tiers à travers le réseau n'est pas autorisé", ce que certains écrivent de façon moins claire sur leurs pochettes, alors quiconque viole cette règle viole le droit de propriété des propriétaires de l'oeuvre, ce quii est passible des tribunaux. 6 - Si je trouvais un moyen de dupliquer pour presque rien des sacs louis vuitton et les mettais à disposition gratuite du public, je commettrais une contrefaçon. Il devrait en aller de même d'un fichier numérique. 7 - Un standard libre et ouvert (de même type que l'ISBN des livres) devrait être défini pour inclure dans chaque fichier la nature de la licence qui est associée à une oeuvre: "libre de copie", "Open source", "copie réglementée..." Etc... Ainsi une personne qui chercherait des fichiers sur le réseau saurait lesquels sont téléchargeables sans violer les droits de propriété de l'auteur-de l'éditeur, et lesquels ne le sont pas sans violer ce même droit. Mais je reconnais que la mise en pratique d'une telle proposition parait pas simple pour tous les fichiers produits "à la maison". En résumé, selon moi: Le droit de copier une oeuvre numérique et les conditions de copie devraient être laissés à l'appréciation du propriétaire de l'oeuvre. Le consommateur doit être libre d'accepter ou pas les termes de la licence associés à l'oeuvre si l'information est claire. Le propriétaire peut utiliser des moyens technologiques pour empêcher-limiter la copie non rémunérée s'il le juge nécessaire, à condition qu'il ne le fasse pas en violant la vie privée des consommateurs. Aucune technologie ayant de nombreux usages légaux ne doit être interdite parce qu'elle permettrait aussi des usages illégaux ou non respecteux des contrats de licence précédemment évoqués, seuls ces usages doivent être punissables. Et il ne devrait à mon avis avoir besoin d'aucune loi pour exprimer tout ceci, si notre droit n'avait pas totalement, à force de diarrhée textuelle, perdu une grande part de ses références à ses fondations de 1789. Ceci dit, la copie est tellement facile aujourd'hui qu'aucune force judiciaire ne pourra faire respecter le droit de propriété à une telle échelle de violation. on ne peut pas mettre un tiers des ados du monde en prison ! Aussi les éditeurs de contenus numériques doivent ils trouver d'autres moyens de rentrer dans leurs fonds: nouveaux produits, réduction des coûts, nouvelles licenses (je n'ai pas d'avis sur le projet de licence globale, mais ça s'étudie), etc... La criminalisation à outrance des échanges P2P est vouée à l'échec, comme l'est toute politique prohibitionniste appliquée à un produit "attractif". Rédigé par: Vincent Benard | le décembre 26, 2005 à 09:52 AM Merci pour cette publication et vos commentaires. Voici quelques liens complémentaires permettant de mieux comprendre le point de vue des acteurs du Libre... http://www.transactiv-exe.org/archiveforum.php3?id_forum=966 http://www.netlexfrance.com/weblogs/?p=22880 http://www.libroscope.org/Institutionnalisation-le-debut-des Rédigé par: Olivier Auber | le décembre 27, 2005 à 12:24 PM J'ajoute qu'il y a une version hypertexte du projet de loi DADVSI ici http://notreconstitution.net/index.php/DADVSI ainsi que les ammendements et beaucoup de liens intéressants. Rédigé par: Olivier Auber | le décembre 28, 2005 à 12:06 AM Deux remarques: *La responsabilité des majors dans cette affaire est totale. Le MP3 a été inventé en 1995 et aucune boite n'y a prété la moindre attention. La politique de CD très cher a continué, mettons la tête dans le sac. Aujourd'hui on veut faire payer les consommateurs des propres turpitudes d'entrepises autistes. Moralité bien connue, à ne pas avoir de comportement pro-actif, toute activité se met dans le caca. *Que cette crise fasse ressurgir un des fondements de l'artiste, le spectacle vivant. Là pas de piratage possible et probablement le lieu de l'émotion primordiale. Au plaisir. Rédigé par: Jean-Paul Droz | le décembre 29, 2005 à 11:26 AM En prévision des prochaines séances parlementaires sur le DADVSI ( début le 17 janvier), un tableau de bord de scéance a été mis au point sur NotreConstitutionPointNet?: http://notreconstitution.net/index.php/TableauDeBordSeancePubliqueAN, Ce tableau de bord regroupe sur une interface unique : la vidéo en streaming des séances publiques, le texte de la DADVSI (version hypertexte), les amendements (deux versions : sur NCPN et eucd.info), et un espace de dialogue temps réel. Nous nous sommes dit que cela pourrait être sympa et utile pour qui souhaite suivre les débats parlementaires... Rédigé par: Olivier Auber | le décembre 31, 2005 à 02:52 PM OUPS erreur dans l'URL, il faut cliquer sur: http://notreconstitution.net/index.php/TableauDeBordSeancePubliqueAN Commentaires [Cacher commentaires/formulaire] Je ne suis aboslument pas d’accord avec ce point de vue, pour moi l’état doit rester garant d’une culture libre, cela ne veut par dire ne plus s’impliquer. Que dire de tous les musées financés par l’état qui ne pourraient absolument pas exister sans les aides publiques. Pour moi c’est le role de l’état qu’il faut recentrer. Effectivement il ne doit pas légiférer en faveur de quelques industriels avides d’argent, cette loi DAVSI est une abération. Mais l’état ne doit surtout pas se détourner de son role de garant de la culture. Sans des homme d’état comme Jack Lang par exemple, croyez vous que la fete de la musique aurait pu naitre ? Il y a depuis longtemps une lutte de pouvoir entre la sphère politique et la sphère économique, et c’est cette lutte qui inscite l’état a légiférer dans une domaine qui n’est pas le sien. Vive le débat démocratique. SeB??. -- SeB?? (2005-12-15 10:40:35) Dans culture il y a "culte". Sans culte, il n'y a pas de culture. Serait-il laïc le culte, il y est là bien présent. L'Etre Suprême de l'incorruptible révolutionnaire et son nouveau calendrier, histoire de refaire le monde à zéro par exemple. Couic !... Une religion est d'autant plus prégnante qu'elle ne s'affiche pas comme telle : aujourd'hui, le réseau généralisé est cette religion nouvelle qui procède, non plus d'une transcendance, mais de l'horizontalité immédiate et immanente. Chacun est l'être suprême en phase terminale. L'a-religion est LA religion. Ce sont de simples constats. L'industrie culturelle, captivante et captante remplit le rôle Divin. Le vide a été fait depuis les Lumières, aujourd'hui c'est un trou noir. Il y a vacance pour tenir la place phalique par excellence. Totem sacré qui va sacrifier les officiants pour la plus grande gloire de son propre sacre, le sacre de la Culture Reine et Terrifiante. Vouons un culte, nous autres, non pas à l'anté-culture, mais à ce qui troue la culture : l'art (qu'est-ce que c'est ?...), la manière de tenir en respect ce qui forme, de lui faire cracher le morceau de gras à la culture épaisse, de lui donner une respiration qui l'envoie un peu en l'air, l'envoyer se promener librement, qu'elle soit copiable, diffusable, transformable par tous ces êtres qui prennent graines et qui la font la culture légère et joyeuse. Il faut sauver la culture de sa propre chute industrieuse, de son obésité crasse qui la plombe. Qu'elle soit devenue industrielle, c'est un fait et il n'est pas envisageable de revenir en arrière, mais que cette industrie soit bien portante, en pleine forme et nous avec comme trous dans le gruyère, comme fenêtres dans le mur, comme respiration dans le corps. Sinon c'est la mort vivante et la volonté de tuer l'esprit que cette culture embrassera (un temps de cerveaux dispos pour décerveler les masses oublieuses d'être critiques). (tout ça trop vite dit)
Commentaires [Cacher commentaires/formulaire]
Ajouter un commentaire à cette page:
|