Je suppose parce que je viens de publier un livre appelé "Anoptikon une exploration de l'internet invisible".
Avec ce titre "à nos p'tits cons", vous voulez dire que sur internet, nous nous comportons tous comme des cons ?
Pas exactement. Enfin un peu quand-même. Moi y-compris !
Plus sérieusement l'anoptikon désigne l'espace invisible de nos relations en réseaux.
Olivier Auber, vous dites que l'anoptikon est l'espace invisible de nos relations. Selon vous de quoi est rempli cet espace ?
D'information !
Mais nous avons souvent une idée erronée de ce qu'est l'information.
Ah bon ! L'information est partout et nous ne savons pas ce que c'est ?
En effet. On imagine souvent que l'information, c'est comme la nourriture l'argent ou bien l'énergie et que nous serions en compétition pour nous l'approprier.
C'est exactement le contraire ! Nous sommes tous en compétition non pas pour obtenir de l'information mais pour en fournir aux autres.
Gratuitement ?
Nous sommes même prêts à payer pour cela.
Olivier Auber, pourquoi avoir écrit ANOPTIKON ?
Anoptikon est le fruit de 35 ans de recherche sur notre relation à l'art, au réseaux et aux technologies en général. Et oui, je suis plus vieux que j'en ai l'air !
Pourquoi maintenant ?
Ce livre est une synthèse provisoire mais il me semble que c'est le moment. Je pense que la petite robotique sociale que nous entretenons depuis l'aube de l'humanité est obsolète. Nous pouvons maintenant la dépasser.
Au prix d'une gigantesque transformation. Plus exactement, comme on dit dans la théorie de l'évolution, d'une "exaptation" nous faisant passer d'un monde sans éthique à un monde avec. Bref nous entrons dans une nouvelle ère
Un peu comme si les poissons se mettaient à marcher ?
Oui, et même à voler.
Olivier Auber, avec quelle méthode avez-vous exploré l'anoptikon, l'espace invisible de nos relations ?
Je me suis seulement laissé guidé par une sorte de sonde, une simple expérience de pensée qui m'a traversé l'esprit au milieu des années 80, et que j'ai réalisé ensuite de plusieurs manières.
Comment appelez-vous cette expérience de pensée ? En quoi consiste-t-elle ?
Elle porte le nom un peu bizarre de " générateur poïétique !" La question posée est de savoir ce qui se passerait si nous pouvions tous être, à la fois à l'intérieur et au dessus de la foule.
Il y a deux manières de réaliser cela avec la technologie actuelle. En utilisant des réseaux centralisés, ou bien des réseaux distribués. Dans les deux cas, on obtient une sorte d'interaction de tous avec tous, en temps réel, et sans chef d'orchestre.
Et que se passe-t-il ? Qu'observe-t-on ?
La foule s'auto organise et fabrique des formes émergentes à l'infini !
Olivier Auber, quelle est la thèse principale que vous soutenez dans Anoptikon ?
Le générateur poïétique, qui constitue le fil conducteur de mon livre, est une sorte de modèle de l'interaction sociale. Cette expérience collective peut fonctionner sur des réseaux, soit centralisés, soit distribués Cela montre qu'un groupe, quelle que soit sa taille, peut interagir, soit en se connectant à un centre, par exemple au serveur de Facebook, soit en se passant d'un centre quelconque, et en utilisant les ressources de l'internet dans son ensemble.
Oui mais en réalité, nous passons toujours par un centre ou un autre, n'est-ce pas ? Pourquoi selon vous ?
Parce que nous sommes encore à l'âge de pierre des réseaux !
Mon hypothèse est que depuis le début des télécommunications, il y a environ deux siècles, nous découvrons peu à peu de nouvelles sortes de perspectives, similaires à la perspective optique inventée à la Renaissance. Comme ces nouvelles perspectives se déployant sur les réseaux sont invisibles, je les ai appelées "perspectives anoptiques" !
D'où le terme Anoptikon ?
Oui ! En effet Jusqu'à présent, nous n'avons fait l'expérience que de la première des perspectives anoptiques Elle correspond aux réseaux centralisés de type Facebook, Twitter, etc. Il s'agit de perspectives dites "temporelles", car leurs points de fuite c'est-à-dire leurs centres, régulent le temps subjectif de ceux qui interagissent à travers eux.
Quelles sont les prochaines perspectives anoptiques que nous devrions rencontrer ?
Il s'agira de perspectives anoptiques dites "numériques" ! correspondant cette fois, à des réseaux distribués, dont les points de fuite se résumeront à des codes : des "codes de fuite" en quelque sorte.
Dans Anoptikon, j'entrevois aussi l'irruption de perspectives quantiques.