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Le jeu de l'existence

par OlivierAuber, le 27 février 2011.

Stéphane : "Bon allez fin de partie, c'est mat, “I like the moment when I break a man's ego.” Bobby Fischer
Bruno: "Je préfère le jeu de go aux échecs, c'est plus fin. Mais je suis content que tu sois mat"


Stéphane joue aux échecs, Bruno au Go. Ces deux jeux ont en commun d'opposer deux adversaires dans des stratégies de territoire jusqu'à ce que mat s'en suivre.

Je vous propose de considérer un autre type de jeu : par exemple le Générateur Poïétique, où chacun joue à armes égales, à la fois avec et contre tous les autres. Le but du jeu est simplement pour chacun de trouver à exister parmi les autres. Dans le Générateur Poïétique (GP), il n'y a jamais ni de gagnant ni de perdant définitif.

Quel rapport avec le Revenu Universel, le projet d'attribuer un revenu de base à chacun de manière inconditionnelle, aussi appelé Revenu de vie, Revenu d'existence, Allocation universelle, Revenu minimum de dignité, etc. ?

Il y a une relation symbolique évidente. Il y a surtout un rapport sous-jacent au " code" : à savoir que pour que le Revenu universel comme le GP soient possibles; il faut que leurs règles soient admises et transcrites dans un dispositif en réseau.

Mais pour que chacun admette leur règles, il faut que leur le réseau qui leur donne corps soit vu reconnu comme "légitime".

C'est évidemment une question d'œuf et de poule ; cercle infernal dans lequel nous tournons tous depuis un moment il me semble... C'est aussi la démonstration que l'existence du Revenu Universel est intimement liée à sa traduction informatique.

Comme je l'ai déjà écrit ici?, il y a trois types de légitimité :

1 - Légitimité procédurale (il faut que ça marche, ce que les informaticiens appellent le "running code")
2 - Légitimité par impartialité (il faut que A soit traité comme B, y-compris et surtout les opérateurs du dispositif)
3 - Légitimité substantielle (il faut un mythe fondateur admis par tous)

Les deux premiers points sont assez évidents. Le troisième, légitimité substantielle, est plus difficile à atteindre car elle résume les deux autres et c'est sur elle que repose l'ensemble de l'édifice.

Dans le cas du Revenu Universel, on peut évidemment aller chercher la légitimité substantielle dans l'article III de la DUDH qui clame le "droit à l'existence pour tous". Cependant, cela me semble insuffisant parce que cette idée exprimée par la DUDH passe sous silence la nature du réseau dans laquelle elle pourrait se déployer, et aussi elle ne dit pas qui sont les "tous" dont on parle.

Pour aller plus loin, on peut aller chercher dans la théorie de la Relativité, comme le fait Stéphane Laborde, l'idée que le dispositif monétaire, à savoir le "code" qui régit la monnaie, doit être "indépendant du repère". C'est un point qui me semble capital, mais encore insuffisant.

Il faut aussi, à mon avis, se confronter à la difficile question de savoir qui sont les "tous" dont on parle, à savoir à la définition de l'humain, rien de moins.

 verichips
(source : wikipedia)

Pour cela, il faut je pense, revenir à la transition entre le paléolithique et le néolithique, à savoir à l'invention des premiers signes territoriaux, numéraires et scripturaux, de manière concomitante à la sédentarisation, à l'enclosure de propriétés terriennes et à la domestication des animaux. C'est pendant cette transition qui duré plusieurs millénaires que naît à mon sens un peur panique qui nous tenaille tous, encore aujourd'hui : savoir compter, savoir nommer, c'est savoir distinguer ce qui est à l'intérieur de ce qui est à l'extérieur, ce qui est accepté de qui est banni, et aussi ce qui est libre de ce qui est asservi. C'est là que prend racine le célèbre mythe du chiffre de la bête, le fameux "666" connu dans toutes les cultures et religions indo-européennes.

L'attribution d'un revenu "inconditionnel" est en effet nécessairement liée à la condition d'existence d'un signe qui va distinguer ceux qui peuvent l'obtenir de ceux qui ne le peuvent pas. Avec les mots d'aujourd'hui, cela se traduit par une "identité numérique". Attribuer un revenu inconditionnel à "tous", même si on le fait a minima, à la manière d'une "révolution immobile" comme le propose Marc de Basquiat, c'est nécessairement soulever cet imaginaire ô combien puissant. Est-ce "la bête" qui attribuera cette identité ? Dès lors, en serons-nous tous les esclaves ?

A mon sens, l'impossibilité de penser le "revenu universel" chez la plupart de nos contemporains est lié à cette peur panique venue du fond des âges.

Cette impossibilité de penser se traduit par tous les errements que nous observons autour des questions de cartes d'identité biométrique (censées être délivrées par les Etats) et de "fédération d'identité" entre les grands acteurs de l'Internet. Dans cette confusion, les États font figure des "fournisseurs d'identités" comme les autres (les banques, Google, etc.). S'ils n'apparaissent pas plus "légitimes" les uns que les autres, c'est que précisément, ils n'osent pas affronter les questions fondamentales de légitimité.

Je n'ai évidemment pas d'idée miraculeuse à proposer pour surmonter ce problème, juste un petit "jeu" qui permet de se le poser à une échelle collective.


C'est le sens mon appel pour le développement d'une version mobile du Générateur Poïétique "jeu massivement multi-joueurs extrêmement sérieux" que je vous invite à soutenir concrètement si vous jugez cette piste intéressante et utile pour faire progresser la réflexion.


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